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En avion, comme dans son salon

Des industriels de l'aéronautique s'associent à des chercheurs de l'UdeS pour mettre au point l'avion le plus silencieux qui soit.

Sophie payeur

Les effets d'une exposition constante aux bruits des avions sont bien connus des personnes qui demeurent près des aéroports : stress, hypertension artérielle et parfois même maladies cardiaques. Le trafic aérien, la durée des vols et la capacité des appareils augmentent d'année en année, si bien que les problèmes liés aux bruits ne cessent de croître. Interpellés, de gros joueurs de l'industrie aéronautique ont trouvé au sein du Groupe de recherche en acoustique de l'UdeS (GAUS) l'expertise nécessaire pour mettre au point des solutions. Lancée en octobre 2009, la Chaire CRSNG-Industrie en acoustique appliquée à l'aviation élabore des moyens de réduire les bruits causés par les oiseaux mécaniques, de la conception jusqu'à l'atterrissage.

Bombardier, Pratt & Whitney Canada et Bell Helicopter Textron Canada appuient financièrement la chaire. « En s'associant, les entreprises augmentent leurs capacités de recherche et de développement pour résoudre un problème commun, souligne Alain Berry, professeur au Département de génie mécanique et membre du GAUS. C'est plutôt rare dans le monde industriel », ajoute celui qui dirige la chaire avec ses collègues Noureddine Atalla et Stéphane Moreau.

Quels matériaux sont susceptibles de dissiper le son et comment améliorer leurs performances? Comment l'air qui frappe l'avion en vol influence-t-il le son produit à l'extérieur et à l'intérieur de l'avion? Ces questions – et bien d'autres – sont au cœur des travaux de la chaire. La durée des vols étant continuellement prolongée, le confort acoustique dans les cabines apparaît également important aux yeux des constructeurs. « Les passagers perçoivent entre 60 et 70 décibels, explique Alain Berry. Ce n'est pas excessif, mais c'est suffisant pour causer une fatigue auditive. »

Alain Berry est professeur au Départementn de génie mécanique cotitulaire de la Chaire de recherche industrielle du CRSNG en acoustique appliquée à l'aviation.
Alain Berry est professeur au Départementn de génie mécanique cotitulaire de la Chaire de recherche industrielle du CRSNG en acoustique appliquée à l'aviation.

Le chercheur travaille à réduire le son en cabine à l'aide de techniques de contrôle actif. Son équipe simule l'environnement sonore d'un appareil en vol grâce à une section de fuselage reproduite dans le laboratoire du GAUS. Armés de logiciels sophistiqués et de multiples microphones qu'ils installent à plusieurs endroits sur le fuselage, les chercheurs cartographient les sources de bruit et les analysent en profondeur. Une fois l'imagerie acoustique créée, Alain Berry s'applique à contrôler les vibrations sonores nuisibles en installant des sources de contre-vibrations à l'intérieur et sur la coque du fuselage. Ces sources de contre-vibrations émettent des ondes de même amplitude que la source originale, mais en opposition de phase. En se superposant, les deux champs sonores créent une source de silence ou, à tout le moins, réduisent le bruit indésirable.

Mieux encore, cette approche peut contribuer à recycler l'énergie générée par les nuisances sonores. Les petits trans-ducteurs apposés à la structure de l'avion pour neutraliser les bruits – des matériaux piézoélectriques – sont capables d'absorber une partie des vibrations émises et de les transformer en énergie électrique. « Idéalement, nous aimerions recycler cette énergie et la rendre disponible pour certaines fonctions à l'intérieur de la cabine, comme l'éclairage », mentionne Alain Berry.

Mais la technique du contrôle actif est complexe : l'approche nécessite plusieurs petits dispositifs, voire des centaines, qui doivent être réglés en tenant compte d'une multitude de variables. « Les sons plus difficiles à traiter sont les fréquences aiguës, associées à de courtes longueurs d'ondes, explique Alain Berry. Or, le contrôle actif de petites longueurs d'ondes dans de grands volumes nécessite un grand nombre de transducteurs. » La technique est hautement énergivore, sans compter les mètres de filage nécessaires. Coûteuse, elle tarde à sortir des laboratoires.

Néanmoins, elle trouve preneurs dans des niches ou des créneaux particuliers tels que les avions d'affaires, où l'approche sera d'abord expérimentée par la chaire. Et Alain Berry a la ferme intention que ça marche. « Quand les aspects de poids, de coût et de fiabilité sont pris en compte dès la conception, les résultats sont plus intéressants, dit-il. Les modèles Q-400 de Bombardier utilisent déjà ce système. »

La Chaire CRSNG-Industrie en acoustique appliquée à l'aviation est l'aboutissement d'une collaboration de longue date avec le milieu de l'aéronautique. En effet, le GAUS s'intéresse aux problèmes de nuisance sonore du domaine aéronautique depuis 15 ans. L'infrastructure permet donc de consolider les activités du groupe, qui communiquera à l'industrie des savoirs originaux.